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Corée : Souvenirs de la guerre oubliée

Par Robert Fischer, LGén (ret.)

Le 7 août 1050, le premier ministre St. Laurent annonçait que le Canada allait répondre favorablement à la demande des Nations Unies d’envoyer des troupes terrestres en Corée et de commencer le recrutement pour la Force spéciale de l’Armée canadienne (FSAC). Les artisans canadiens allaient donc reprendre du service. Les politiciens d’alors décrivirent l’opération comme une « intervention policière » – la première de plusieurs opérations de maintien de la paix auxquelles le Canada allait participer. L’annonce du gouvernement déclencha immédiatement la formation de la 25e Brigade d’infanterie canadienne (25 BIC). En novembre, un groupe précurseur avait déjà débarqué à Pusan (maintenant Busan), en Corée du Sud.

Pendant ce temps, le recrutement de la FSAC avait débuté dès l’annonce du gouvernement et l’entrainement avait commencé partout dans les bases militaires du pays. Des ententes furent prises pour utiliser Fort Lewis, dans l’état de Washington comme camp de rassemblement de la 25e brigade d’infanterie pour l’embarquement à partir de Seattle et base d’entrainement. Les préparatifs de la traversée vers la Corée furent doublement exigeants pour les unités du GEMRC. Elles devaient aider à l’expédition de tout l’équipement des unités en plus d’empaqueter leur propre équipement spécial, tout en respectant des procédures américaines qui ne leur étaient pas familières. Il fallait que les batteries soient retirées de tous les véhicules fermés et mises dans des caisses, que les moteurs soient protégés et étanchéifiés, que les outils soient protégés et mis dans des caisses, que les surfaces intérieures soient revêtues d'un agent de préservation, que les pare-brise soient mis dans des caisses, que les radiateurs soient recouverts, que les superstructures et les bâches soient enlevées et empaquetées, et que tous les orifices soient couverts de rubans et bouchés hermétiquement. C’est seulement après toutes cette préparation que les véhicules pouvaient être déplacés près de 60 milles vers les quais de chargement. Début avril 1951, l’équipement de la brigade fut finalement chargé sur six cargos; une semaine plus tard, les soldats de la 25e BIC quittèrent Seattle sur trois navires de transport de troupes américains.

Le GEMRC à Pusan

La brigade débarqua à Pusan début mai avec 1500 véhicules et 2000 tonnes de matériel  dont la majorité était d’origine américaine. Des 8000 militaires, 300 étaient des artisans qui composaient des unités de premier et deuxième échelon du GEMRC et un atelier de soutien pour les réparations de troisième échelon. Le terrain accidenté obligea les unités du front à se disperser sur de grandes étendues et, chose encore plus importante, forçant les unités combattantes et les unités de soutien à s’installer loin les unes des autres.

L’atelier 191 de l’infanterie canadienne débarqua avec la 25e BIC à Pusan. L’atelier se vit attribuer une enceinte boueuse en périphérie de Pusan. Pourtant après deux semaines ses membres avaient fini par déballer et classer une montagne de boîtes et de caisses et de matériel, dont 120 tonnes de pièces de rechange. Quatre jours et 300 milles plus tard, l’unité arriva dans le secteur de la brigade juste au sud de Séoul. Un jour plus tard l’installation était terminée et l’atelier était prêt pour le travail, et l’unité accompagna la brigade qui entrait en action pour la première fois.

Dès l’automne 1951, les lignes de front s’étaient établies le long du 38e parallèle où 1 million et demi de troupes se faisaient face sur le haut des collines et dans les vallées fluviales en contrebas.

Ce face à face allait durer presque deux ans.

La bravoure, le leadership et le génie du GEMRC

Tout au cours de cette opération policière, les artisans du GEMRC se sont distingués en récupérant des chars s’assaut sous le feu ennemi, en mettant au point des techniques innovatrices pour réparer et maintenir l’équipement sur le champ de bataille et en ramenant vers l’arrière des véhicules sur de longues distances et des routes extrêmement difficiles. Les trois récits suivants sont une démonstration éloquente des actes de bravoure, du leadership et du génie innovant du GEMRC sous le feu de l’ennemi.

À l’automne 1951, deux véhicules canadiens semi-chenillés s’étaient temporairement enlisés dans la rivière Imjin sortie de son lit. Sous le commandement du Capt. H. E. McLaughlin, l’équipe de récupération du 193 LAD, travailla presque toute la journée dans cette espèce de « no man’s land » pour récupérer les deux véhicules. Les équipes tentèrent par quatre fois d'amener un câble de l'autre côté de la rivière en luttant contre le courant rapide, mais en vain. Finalement, on réussit à lancer un câble léger et à l'attacher à l'un des véhicules semi-chenillés. À moment donné, le fort courant passa carrément par-dessus le véhicule alors qu’on le tirait doucement hors de l’eau. L’équipage répéta l’opération pour le second véhicule. Le Capt. McLaughin fut nommé Membre de l’Ordre de l’Empire britannique.

Le 21 mai 1952, le bulldozer blindé de l'escadron C du Lord Strathcona's Horse (Royal Canadians) [LdSH(ROC)] s'enlisa en préparant une route. La situation était précaire puisque le bulldozer immobilisé se trouvait en pleine vue de positions ennemies. Le véhicule blindé de dépannage, commandé par le Sergent T. Allen, fut appelé à l'avant. Relier deux câbles et préparer le bulldozer pour le récupérer s’avéra une tâche fastidieuse et dangereuse. Presque au même instant où le véhicule blindé de dépannage arrivait sur les lieux, l'artillerie ennemie commença à diriger le tir sur les véhicules. Les véhicules furent touchés plusieurs fois et les équipages reçurent l'ordre de se mettre à l'abri. Le Sergent Allen refusa d'obtempérer tant qu'il n'eut pas terminé de mettre son VBD et son équipage en sécurité. Le bulldozer fut récupéré intact au cours de la nuit. Le sergent Allen reçut la Médaille militaire

Au cours de l'automne de 1952, le Lieutenant A.C. Leonard servit en tant qu'officier du GEMRC avec l'escadron B du LdSH(RC). Sous les bombardements très copieux essuyés par les positions canadiennes durant cette période, il reçut l'ordre de récupérer de nombreux chars endommagés depuis des positions avancées, souvent sous le feu de l'ennemi. Dans un cas en particulier, lui et son équipe de récupération continuèrent à la lumière du jour de dégager un char enlisé même si l'ennemi n'arrêtait pas de bombarder le char exposé. En plus, il proposa et élabora de nouvelles modifications destinées à accroître l'efficience des chars au combat. Le Lieutenant Leonard fut nommé membre de l'Ordre de l'Empire britannique.

C’est quand même une guerre

On l’a peut-être nommée une « intervention policière », mais c’était tout de même une guerre; la mort pouvait être inattendue et imprévisible. Le 21 janvier 1952, les artisans Douglas et Ralph étaient passagers à bord d’un camion ¾ tonne en route pour aller faire une inspection d’armes, lorsque le chauffeur perdit le contrôle du véhicule sur une plaque de glace. Le véhicule fit un tête à queue et dégringola le long d’un remblai directement dans un champ de mines. L’Artisan Mintz et le chauffeur subirent des blessures légères, mais l’Artisan Nicholson décéda sur place. Nicholson était originaire de Montague, Île-du-Prince-Édouard. Il s’était enrôlé en 1939 et après avoir joint les PEI Highlanders, il devint finalement un armurier du GEMRC. Après avoir quitté l'armée en tant que sergent en 1945, il est rentré chez lui où il a été employé comme foreur de puits d'eau dans l'est de l'Île-du-Prince-Édouard pendant plusieurs années. En 1949, il se réenrôla comme artisan du GEMRC et se retrouva en Corée en tant que membre du 193e LAD. Il s’apprêtait à remplacer l’Artisan Mintz lorsqu’il fut tué dans l’accident.

Les négociations de paix trainèrent pendant deux ans, jusqu'à la signature de la convention d'armistice le 23 juillet 1953. Le 8 novembre 1954, le QG de la 25e BIC ferma et, à l'exception d'un bataillon d'infanterie et de troupes de soutien, les unités canadiennes commencèrent à rentrer au pays. Dès 1957, toutes les troupes étaient de retour au Canada sauf pour les 376 Canadiens enterrés au Cimetière mémorial des Nations Unies de Busan (anciennement Pusan), y compris l’Artisan Nicholson.

Ralph Mintz raconte les événements tragiques du 21 janvier 1952.

Consultez le Livre du souvenir du GEMRC, pour y trouver l’Artisan Nicholson et quatre autres membres du GEMRC qui ont trouvé la mort en Corée.

Nous ne les oublierons pas.

Autres crédits

Cette histoire est tirée en grande partie du livre du Colonel Murray Johnston Le 50e des artisans du Canada, Chapitre 7 – Asie, La guerre de Corée.

Nous remercions tout particulièrement Carol Nicholson (aucun lien avec l'Art Nicholson) qui nous a aidés à effectuer les recherches nécessaires à la rédaction de cet article.

La vidéo de Ralph Mintz – Courtoisie du Highlander Online (Haliburton).

Photos historiques – Domaine public. À moins d’indication contraire, les sources numériques proviennent de Librairie et Archives Canada; MDN; La Revue du GEMRC; « Canadians in the Korean war » (Harold A. Skaarup); Le Projet Mémoire de l’Encyclopédie canadienne; et Historica Canada.


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